Les LEPORELLOS de Gabriel Micheletti
« Une affaire de plis en ZIG et d’à plats en ZAG »
Les LEPORELLOS de Gabriel Micheletti – du 25 février au 31 mars 2025
Cette exposition se tient en parallèle de l’exposition La Bibliothèque fantastique. Collection Würth et prêts pour laquelle mon ami Jean Louis Mandel a prêté des pièces majeures de sa collection personnelle. Celui-ci m’avait invité à visiter l’exposition en raison de mon intérêt pour le livre d’artiste.
Le mot « leporello » fait allusion à Leporello, valet de Don Juan, qui conserve la longue liste des maîtresses de son maître, pliée en accordéon, dans le premier acte de l’opéra de Mozart. Il s’agit par extension d’un carnet plié en accordéon.
Depuis le confinement, j’ai réduit la taille de mes productions et me consacre donc à la fabrication de leporellos. Parce que j’aime les livres. Et ce format appelle à l’intimité. Si j’avais su initier un style, j’aurais été illustrateur de livres pour enfants. Mais je n’ai pas ce talent et je ne vais pas faire semblant. Je sais cependant m’interroger sur ce que sont pour moi la peinture et le dessin, à partir d’où ça commence… Où commence le dessin et la peinture et, surtout jusqu’où sont-ils dessin et peinture ? J’ai fait 10 ans de théâtre pendant lesquels je n’ai pratiquement ni dessiné, ni peint, mais je me disais que lorsque je reviendrais à la peinture, j’essaierais d’y transposer ce que j’avais appris au théâtre. En vivant à côté d’un texte en train d’être appris, ou en vivant à côté d’une toile en train de se faire. Certes, j’apprenais à jouer, mais j’ai assez vite compris que s’il fallait jouer, il ne fallait pas « trop jouer » et peut-être même, ne fallait-il pas trop peindre non plus, il fallait être là avec ses pinceaux, mais aussi avec des moments de présence et des moments d’absence, des moment difficiles à définir, à la lisière de l’être et du non être, ne pas trop montrer, éviter l’exhibitionnisme.
Peindre entre exigence et indulgence, avec une ligne directrice entrecoupée de maladresses qui vous fournissent des images : vous faites une tache involontaire, en déambulant les mains armées de brosses et de pinceaux. Cela va jusque-là, la peinture, jusqu’à la tache accidentelle, une esthétique tellement inattendue, évidente, qui s’impose de façon si impertinente. C’est la même chose au théâtre : certaines hésitations de la voix rappellent certaines hésitations de la couleur ou de la forme, et on s’interroge sur la nécessité de les corriger ou non. En fait, est-ce bien utile de le dire : à chaque instant, ce mélange d’assurance et d’incertitudes est une démarche guidée par votre grille de lecture du monde que vous essayez à chaque fois de convoquer, de reconnaître et d’appliquer, intuitivement au théâtre à chaque nouveau rôle, en peinture à chaque nouvelle toile. Et, chaque fois, rôle ou toile, c’est la nécessité intérieure qui prévaut. Et qui va devoir régler la taille de l’objet. Vous sentez bien qu’il faut que l’objet produit soit en accord flagrant avec la taille de l’atelier. A l’évidence cet accord relève d’une nécessité intérieure. C’est ce que je veux dire en m’interrogeant sur la raison d’être de mes leporellos. Il fallait que les objets produits soient à la mesure de mon atelier. Et qu’est devenu mon atelier avec le confinement ? Rien de plus que la table de la salle à manger.
Gabriel Micheletti
Crédit photo : Studio18